9 NOVEMBRE 1989
UN VENT DE LIBERTE SOUFFLE SUR L’EUROPE
Juillet 1983 : je suis assis dans un train qui me mène de Hambourg à Rostock, ville au nord de la République Démocratique Allemande.
Dans le compartiment, je suis seul avec une femme d’une cinquantaine d’années qui, après un rapide bonjour, ne m’adressera plus la parole et évitera même mon regard.
Mon cœur bat un peu plus vite, lorsque le train s’immobilise à la frontière. Ce n’est pas pourtant pas la première fois que je vais franchir le rideau de fer ; le collège du Val d’Oise, où j’étais élève, était jumelé avec un lycée de Berlin Ouest et j’ai eu la possibilité par deux fois de traverser la RDA pour rendre visite à mon correspondant berlinois. Mais, en cette année 1983, je vais découvrir la réalité d’un pays communiste et vivre deux semaines chez mon correspondant est-allemand avec lequel j’entretiens une relation épistolaire à la demande de sa cousine qui, elle, vit en RFA.
Après un interrogatoire en règle mais courtois « pourquoi vais-je en RDA ? », « comment ai-je connu Holger H. ? », le train repart en direction de Rostock ; je vois encore Holger courir à ma rencontre sur le quai de la gare. Après une semaine dans cette ville sur la Baltique, nous nous rendons à Berlin-Est, chez un cousin de mon ami. Je vois l’autre côté de ce Mur que j’aurai encore l’occasion de voir en décembre 2008 en traversant Berlin en train pour me rendre à Leningrad via Moscou. Toujours cette sensation de froid qui m'envahit à la vue de ces miradors, de ces espaces de barbelés, où des tentatives de fuite ont tragiquement pris fin.
Pourtant, en ce mois de juillet 1983, personne dans cette famille ne peut s’imaginer que, six ans plus tard, serait détruit le "mur de la honte" construit en août 1961. Par rapport avec ce que je vais découvrir à Moscou un an plus tard, sur un plan strictement matériel, la population est-allemande vit « relativement » bien. Mais le père de Holger m’explique néanmoins qu’il préférerait vivre en Union Soviétique :
« Tu comprends, les Russes sont quelque peu désorganisés et il leur arrive de se prendre les pieds dans le tapis ; ici, nous sommes passés directement du nazisme au communisme et le goût des Allemands pour l’ordre fait que ce régime est certainement l’un des plus implacables du bloc de l’Est ».
Effectivement, vu sous cet angle !!! La sortie de RDA, quinze jours plus tard, me confirmera son analyse ; la garde-frontière fera sortir du wagon les quatre autres personnes présentes dans le compartiment et j’aurai droit à une fouille complète de ma valise et un interrogatoire cette fois très tendu. Même ma boite à savon n’échappera pas à sa curiosité.
Alors, en ce mois de novembre 1989, quand je regarde les images de l’effondrement du Mur, je ressens une émotion particulière et ma pensée va vers ceux que j’ai rencontrés alors. L’Histoire de l’Europe va prendre un autre cours ; notre continent se réunifie peu à peu, après avoir connu en moins d’un siècle les ravages meurtriers de ces deux idéologies morbides que furent le nazisme et le communisme.
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