Suite à la décision du journal satirique Charlie Hebdo de publier de nouvelles caricatures du prophète Mahomet, le recteur de la mosquée de Paris, M. Dalil BOUBAKEUR, appelle au calme mais invite, selon une dépêche de l’AFP datée du 18/09, à « ne pas jeter de l’huile sur le feu » ; il regrette également que "l’incitation à la haine religieuse ne soit pas réprimée par la loi comme l’est l’incitation à la haine raciale". Selon M. BOUBAKEUR, cet interdit "pourrait donner un coup de frein à l’exacerbation que risque de provoquer la publication de nouvelles caricatures".
Nous ne nous prononcerons pas sur le bien-fondé ou non de ces publications ; nous savons parfaitement que, pour des croyants, certaines images, certains propos peuvent être profondément blessants ; il ne s'agit pas de museler les opinions mais d'appeler au respect des personnes tout simplement ; cela étant dit, légiférer sur un tel interdit reviendrait à ré-instituer un délit de blasphème. Certains militants historiques ne sont pas croyants, d’autres le sont (dont l’auteur de ces lignes) mais nous ne saurions accepter cette idée.
Les contours d'un délit de blasphème "global" seraient d’ailleurs assez difficiles à déterminer ; qui définira ce qui relève ou non du blasphème ? Et qui pourra s'en prévaloir ? Les seuls cultes monothéistes ? Cela reviendrait, en outre, à faire entrer des interdits religieux (d’ordre personnel) dans la sphère publique ; nous pouvons redouter qu’une communauté de croyants soit plus active qu’une autre à aller devant les tribunaux comme nous pouvons craindre que la justice prête une oreille plus attentive aux plaintes d’un groupe par rapport à un autre. Cela exacerberait les tensions au lieu de les calmer ! Par exemple, que dirait un tribunal si des catholiques attaquaient en justice des manifestants défendant le droit à l’avortement et dénonçant les positions de l’Eglise catholique sur cette question avec des slogans tels que « Ah si Marie avait pu avorter ! ». Blasphème ? Pas blasphème ? Des chrétiens protestants ou orthodoxes pourraient légitimement se sentir insultés par ces propos, tout en ne partageant pas les positions de l’Eglise catholique sur le sujet. Et les militants pro-avortement pourraient rétorquer qu'ils ne font que répondre à une agression. Bel imbroglio !
Cette crainte de voir une communauté de croyants plus défendue qu’une autre ne relève pas du fantasme car nous constatons déjà cette tendance en matière d’antiracisme ; il y a quelques jours, des parachutistes basés à Castres ont été insultés par des « jeunes » qui les ont traités de sales Français ; je ne crois pas avoir entendu les chiens de garde de la bien-pensance, toujours prompts à dénoncer les paroles « nauséabondes qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire », s’élever contre ces propos. Sauf erreur de notre part, la LICRA, le MRAP, SOS RACISME n’ont pas condamné ces insultes. (Un rectificatif sera bien sûr publié sur ce blog, si une condamnation est intervenue).
Si nous devions encore être convaincus de la dangerosité de ce délit de blasphème, il nous suffirait de nous fonder sur une autre dépêche de l’AFP datée également du 18 septembre :
« Un tribunal égyptien a condamné aujourd'hui un Egyptien de confession chrétienne à six ans de prison pour avoir porté atteinte au prophète Mahomet et au président Mohamed Morsi sur Facebook.
Bishoy al-Beheiry, un enseignant copte originaire de la province de Sohag (centre), a été condamné par une cour pénale à trois ans de prison pour avoir porté atteinte à l'islam en publiant des caricatures du prophète sur le réseau social, selon cette source. Il a écopé de deux ans supplémentaires pour avoir insulté le président Morsi et d'un an pour avoir insulté la personne qui avait porté plainte contre lui au sujet des caricatures. ».
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